Donner un sens à la matière
Pascal Lareau – Donner un sens à la matière
Rencontrer l’artiste dans son lieu de création, c’est fascinant, intriguant, surprenant! Je déambule devant l’atelier Silex depuis plusieurs années, sans trop savoir ce qu’il y a là exactement, sans oser entrer, bien entendu. Au moment même où je passe la porte, je me sens curieuse et transportée dans l’inspiration. Silex est un ancien entrepôt de fruits et légumes. L’atelier est vaste et comporte moult locaux et étages. L’odeur du bois, tantôt mêlée à celle du fer, laisse entrevoir le labeur de l’artisan. On demeure impressionné devant les portes des anciens frigidaires, tapissées de bois, où l’on sait qu’une fois fermées, on se retrouve isolé derrière cette cloison hermétique, où le silence est roi et où, le froid ne nous mordra pas, cette fois! Pascal Lareau apparaît, écouteurs sur la tête, léger et souriant. Il aime ce qu’il fait, son atelier, les ressources dont il dispose ici. Silex est une communauté de sculpteurs où tout le monde s’investit à sa façon. C’est important pour lui de s’impliquer, d’être au cœur de l’action. Ici, il peut partager des connaissances, transmettre son savoir et profiter de l'expérience des autres. Bref, avoir un rapport aux autres, qu’il considère comme primordial si l’art est ton métier.
D'ailleurs, l'atelier bourdonne d'abeilles au travail. Chaque personne croisée au détour semble tout investit dans sa tâche. Les morceaux de fer, de bois, les blocs de pierre, certains objets du quotidiens, des plumes, du verre, toute cette matière laissant entrevoir tantôt des oeuvres achevées et inachevées, donne envie de s'y mettre à notre tour, de palper et transformer. Pascal me conduit à son comptoir, où une pièce de céramique attend patiemment les mains de l'artiste pour pousser et grandir. L'énergie de Pascal est palpable lorsqu'il parle de son art, de son métier, de sa passion. Tout en modelant sa pièce, les mots coulent en un flot continu. Je prends des notes, j'essaie de tout emmagasiner. Les questions se bousculent dans ma tête, comme les concepts de Pascal. Son potentiel technique est sans aucun doute empreint de ses connaissances théoriques. Nous parlons de sens, celui donné aux oeuvres et aux mots. Ses mains me parlent autant que lui. Je perds le fil par moment, fascinée par cette pièce qui prend forme sous mes yeux. Mon esprit dérive, essayant de trouver où il s'en va avec cette dernière. J'y vois une fourmilière, une ressemblance avec des poteries africaines, voire certains éléments de l'oeuvre de Gaudi. Nous échangeons sur nos inspirations, notre discours part à la volée, sur un sujet puis un autre. L'oeuvre résonne. Elle fait naître des idées, qui me conduiront peut-être quelque part, mais peu importe. Le plaisir est de se laisser porter par l'instant et après, on verra bien.
Ma rencontre avec Pascal Lareau m’aura fait réfléchir sur le processus créatif. Qu’est-ce qui m’inspire? L’artiste, sa démarche, ma rencontre? Je suis demeurée longtemps sans réponse, tel un passant au détour d’un chemin, un flâneur devant une œuvre. La création est certainement un processus où nous faisons des choix. Quelle direction prendre? Qu’est-ce qui nous plaît? Comment l’exprimer? Ressasser l'instant et le mettre en mots, raconter l'effet ressenti! Le texte qui en ressortira par la suite doit demeurer spontané, sans être trop réfléchi, un pas devant dans mon processus créatif.
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