Vu et à voir

En 2008 je crois, un ami me montre quelques clichés vraiment impressionnants pris par Benoît Paillé.  Le genre de portraits qu'on ne retrouve pas dans les vitrines des photographes ayant pignon sur rue.  Je l'ai donc rencontré, intriguée par l'homme qui se tenait derrière cette caméra.

J'ai écrit à Benoît Paillé pour lui dire que je voulais republier ce texte, il m'a répondu : «Ouff, 2008, il s'en est passé des choses depuis...»  Ainsi, soyez avertis que le style a évolué!  www.benoitp.com



«Les portraits de BenoîtP recèlent un désir pervers de pénétrer l’intimité des gens qui frôle presque le voyeurisme.   Modèles fragiles, transformés pour arborer une fière allure.  Mais dans leurs yeux persiste une incongruité relevant de la catharsis.  Effet voulu de pure provocation afin que les flashs de ces images rebondissent dans la tête des gens tel un esprit sournois voulant marquer la conscience.   Provenant de partout et de nulle part, les modèles de BenoîtP deviennent étrangers à eux-mêmes parce choisis sans savoir pourquoi.   Lui sait, l’adrénaline a parlé, le glas a sonné, l’effluve dégagée par la morphologie l’a happé : joues creuses, obèses, anorexiques, plissés, ridés, cicatrisés.  Dans cet univers, le Père-Noël secoue son habit parsemé de poudre blanche qui n’a aucun lien avec la neige. 
Montrer sans montrer.  Derrière cet avant-plan parfois dérangeant, un autre monde semble se lever.  L’artiste s’est mis à l’œuvre d’une façon différente.  Une nostalgique coloration se déploie, teintes provenant d’un autre temps, rappel cinématographique de l’âge argentique.  À l’ère des faux-semblants vient résonner l’arrière-plan parfait, liché, lifté. 
Montrer sans montrer.   L’histoire prend forme, de l’avant à l’arrière.  Un visage en pleurs, suintant de détresse dans une atmosphère d’euphorie bigarrée.  BenoîtP frise parfois la folie dans sa quête d’esthétisme.  Pointant vers le modèle, l’arrière-plan sert de repère pour manipuler l’avant.
Bien que la provocation semble souvent au cœur de son art, BenoîtP s’inspire de beauté pure.  Tout ce qui peut avoir un sens graphique peut devenir sujet parce qu’il a aussi l’art du camouflage.  Ce qui rebute à prime abord peut devenir alléchant au premier regard.  Agissant tel un pointilliste sur l’image, il superpose réalité et vérité à la recherche du détail, habité par cet élan de vouloir montrer ce que personne ne veut voir. 
De nature éclectique, tous les sujets sont propices à la manipulation de la couleur parce que rien n’est effacé : « Photoshop fait partie de mon processus de création, c’est mon pinceau à couleurs que j’utilise non pas pour changer les apparences mais plutôt comme une chambre de développement. »  Dans l’immensité qui les entoure, cristaux glacés et fluides changent de personnalité, de paysages en terrisages, ras au sol, bien centrés, dans un cadrage calculé.»




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